Le but du commentaire d’arrêt est de déterminer le sens, la valeur et la portée d’une décision de justice.
Pour réussir un commentaire d’arrêt, il est donc nécessaire de comprendre la décision et de la critiquer.
Ainsi, avant de pouvoir maîtriser la méthodologie du commentaire d’arrêt, il faut savoir identifier la structure de la décision et surtout, maîtriser la méthodologie de la fiche d’arrêt, qui servira de base à l’introduction du commentaire.
La méthodologie du commentaire d’arrêt se compose de deux phases : la phase de préparation et la phase de réalisation.
1. La phase de préparation du commentaire d’arrêt
1.1. Analyse et compréhension de la décision : le sens de la décision
La lecture attentive de la décision est une étape évidente qui peut paraître simpliste, mais qui est primordiale.
Le correcteur doit, en lisant ta copie, n’avoir aucun doute sur le fait que tu aies compris la décision : les faits, la question de droit posée et le raisonnement du juge.
Peu importe les éléments critiques apportés, si tu n’as pas compris la décision, tu perds en cohérence et seras probablement hors sujet, alors que ton raisonnement est peut être correct et intéressant, par ailleurs.
Lors du commentaire, il est important de rester collé à l’arrêt, ce qui n’est possible que si tu as effectivement saisi l’affaire, et pu ainsi délimiter l’objet du commentaire.
1.2. Réflexion sur la décision : valeur et portée de la décision
Après en avoir compris le sens, il convient de mener une réflexion sur la décision, d’en déterminer la valeur et la portée.
Si tu es en L1 ou en L2, ne pense pas que le correcteur attend de toi un raisonnement juridique poussé ou des critiques qu’il n’a jamais lues ou entendues ailleurs ; tu es au début de tes études, il est normal que ton raisonnement ne soit pas encore totalement abouti.
Les idées n’ont pas forcément à venir de toi : lis la doctrine, cite les auteurs et professeurs, utilise les manuels, etc.
Plus tu avanceras dans tes études, plus tu feras de commentaires d’arrêts, plus tu seras capable de saisir les enjeux d’une décision et de proposer un raisonnement et des critiques provenant de ta propre réflexion.
Pour apprécier la valeur d’une décision, tu dois déterminer le contexte de la décision en examinant, notamment, les autres décisions qui concernent le même problème de droit.
Pour t’aider à comprendre la valeur d’une décision, pose-toi les questions suivantes :
- La décision est-elle conforme au droit positif ?
- Si oui, est-elle fondée sur les mêmes motifs, les mêmes textes ou le même raisonnement que les décisions précédentes ? Apporte-t-elle une précision par rapport aux décisions précédentes ou règle-t-elle une situation voisine mais différente ?
- Si non, en quoi la décision n’est-elle pas conforme au droit positif ? Y-a-t-il une différence d’interprétation du texte par le juge ? Règle-elle une situation complètement nouvelle ?
- La décision mérite-elle d’être approuvée ou au contraire critiquée ? Pour quelles raisons ?
- Le raisonnement du juge est-il logique ? Quel type de raisonnement utilise-t-il (syllogisme, raisonnement a contrario, raisonnement a fortiori…) ?
- La solution retenue pour la question de droit posée est-elle identique pour toutes les juridictions ou toutes les chambres d’une juridiction ? Si non, qu’est-ce qui explique cette différence ?
Pour apprécier la portée d’une décision, tu dois déterminer quelles sont les incidences juridiques et extra juridiques de la décision.
Pose-toi les questions suivantes :
- S’il s’agit d’une décision ancienne, quelle a été l’évolution de la jurisprudence depuis ?
- S’il s’agit d’une décision nouvelle, quelles sont les conséquences sur le droit positif ? Vient-elle apporter une précision attendue suite à une réforme ? Quelles sont les conséquences sur le domaine en question, sur des domaines voisins, sur l’économie, sur la protection des consommateurs, etc. ?
- Quelle est la place de cette décision dans la jurisprudence ? S’agit-il d’une décision constante, d’une évolution ou d’un revirement ?
- S’il s’agit d’une décision constante qui confirme les solutions actuelles, est-ce que cela parait justifié ou au contraire une évolution aurait-elle été souhaitable ? Pour quelles raisons ?
2. La phase de réalisation du commentaire d’arrêt
Une fois que tu as effectué le travail de préparation autour de la décision, il est temps de réaliser le commentaire.
CONSEILS PRATIQUES
Le brouillon
Note toutes tes idées au fur et à mesure sur ton brouillon ; ne perds pas de temps à vouloir les écrire dans l’ordre, utilise ensuite des surligneurs avec un code couleur et des numéros pour classifier les informations dans les différentes sous-parties IA, IB, IIA et IIB.
La gestion du temps
Si tu fais un commentaire d’arrêt pour la préparation d’un TD, tu as un temps « illimité » : il est évident que ton commentaire sera plus documenté et abouti que lorsque tu as un temps et des ressources limités en partiel. L’exigence du correcteur ne sera pas la même.
Garde cela à l’esprit et veille à répartir ton temps pour rendre une copie de partiel terminée, même si elle présente selon toi des lacunes : 1h30 de préparation et 1h30 de rédaction est une bonne répartition du temps.
2.1. L’établissement du plan
Le plan a pour but de structurer le commentaire.
En lisant le plan, le correcteur doit saisir quels sont les éléments qui ont retenu ton attention dans la décision et quelle est ton appréciation sur celle-ci.
2.1.1. Choix de la structure du plan
Le plan du commentaire peut être construit de plusieurs manières, mais il doit être sous la forme suivante : deux parties et deux sous-parties – IA IB IIA IIB.
Certains types de plans seront plus adéquats que d’autres en fonction des décisions commentées.
De même, plusieurs plans sont possibles pour une même décision ; ton plan doit être adapté à la démonstration que tu souhaites faire dans ton commentaire.
Voici quelques structures de plan classiques :
– Analyse / Discussion
– Contexte / Sens / Valeur / Portée
– Examen du 1er problème / Examen du 2nd problème (dans l’hypothèse d’une décision contenant deux problèmes pertinents qui se prêtent au commentaire)
2.1.2. La formulation des titres
La seule lecture des titres doit permettre au correcteur de savoir ce qui est développé dans la sous-partie.
Ils doivent être le reflet de ta démonstration.
En outre, tu dois utiliser des adjectifs qualificatifs qui démontrent que tu fais une appréciation, un commentaire de la décision (exemples : justifié, contestable, pertinent, superflu, surprenant, insuffisant, incertain, constant, classique…).
EXEMPLE
L’exigence contestable d’une faute comme condition de la responsabilité
L’application incertaine de la responsabilité de droit commun
Idéalement les titres doivent se répondre, par exemple par l’utilisation de formulations parallèles.
EXEMPLE
Le rejet justifié de la qualification de faute de la victime
Le rejet injustifié de la qualification de force majeure
Attention : il y a des comportements qu’il convient d’éviter dans la formulation des titres :
- Faire des phrases avec des verbes conjugués
- Ne pas qualifier, ne pas commenter
EXEMPLE
« La responsabilité du fait des choses s’applique en cas de… ».
Dans cet exemple, il y a un verbe conjugué. Il est possible de modifier la formulation du titre pour exprimer la même idée, mais sans utiliser de verbe :
« L’application de la responsabilité du fait des choses en cas de… »
Ensuite, il convient d’apporter une appréciation, de commenter la décision :
« L’application contestable de la responsabilité du fait des choses en cas de… » ou « L’application classique de la responsabilité du fait des choses en cas de… »
2.2. La rédaction de l’introduction
L’introduction du commentaire d’arrêt est composée de :
- Une phrase d’accroche (Trouve l’inspiration ici : 100 citations – Phrases d’accroche pour exercices juridiques)
- La nature et la date de la décision commentée
- Le domaine général dans lequel s’inscrit la décision et le sujet précis abordé ainsi que,
éventuellement l’actualité ou l’intérêt autour du sujet - Le résumé des faits, de la procédure et des thèses en présence (la fiche d’arrêt)
- La problématique
- La décision prise par la juridiction
- L’annonce du plan
EXEMPLE
Nombreuses sont les garanties dont bénéficient l’acquéreur d’un immeuble, en apparence. Leur mise en oeuvre semble cependant moins évidente, au regard de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 13 février 2013.
Une société a entrepris la construction d’un immeuble à usage d’habitation qu’elle a vendu par lots en l’état futur d’achèvement. Une autre société a acquis un appartement dans cet immeuble, mais n’a pas réglé l’intégralité du prix en raison de l’existence d’infiltrations apparues sur sa loggia en provenance du sol du balcon de l’appartement du sixième étage. La société venderesse a assigné la société acquéreuse en paiement du solde du prix de l’appartement et une expertise a été ordonnée.
La Cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt en date du 24 octobre 2011, retient la responsabilité de la société venderesse et la condamne à faire réaliser les travaux préconisés par l’expert et payer diverses sommes, au motif que « le vendeur d’immeuble à construire, tout comme les constructeurs, répond des dommages intermédiaires en cas de faute de sa part et que la défaillance de la société (…) est caractérisée pour avoir manqué à son obligation de remettre à l’acquéreur un ouvrage, objet du contrat, exempt de vices ».
Un pourvoi est formé par la société venderesse. La troisième chambre civile de la Cour de cassation rend son arrêt le 13 février 2013, par ailleurs publié au bulletin.
Le manquement à l’obligation de livraison d’un ouvrage exempt de vices par le vendeur suffit-il à entrainer sa responsabilité de droit commun en cas de désordres intermédiaires survenus après la réception ?
La Cour de cassation répond par la négative et, au visa des articles 1147 et 1646-1 du code civil, casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel en estimant que celle-ci n’aurait pas donné de base légale à sa décision en statuant sur des motifs qui ne suffisaient pas à caractériser la faute du vendeur. Ainsi, le manquement à l’obligation de livraison d’un ouvrage exempt de vices ne constitue pas une faute susceptible d’entrainer la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur pour des désordres intermédiaires.
On constate dans cet arrêt qu’il est fait classiquement application du régime des désordres intermédiaires au vendeur (I), mais que la responsabilité du vendeur est ici rejetée en l’absence de faute prouvée (II).
2.3. Le corps du commentaire
2.3.1. Ce qu’il faut faire
Idéalement, la structure de chaque paragraphe doit respecter les trois étapes suivantes :
- Commencer avec un extrait de la décision commentée
- Expliquer cet extrait
- Commenter l’extrait par des critiques, des évaluations, des comparaisons, des appréciations, en apportant des compléments, etc.
EXEMPLE
« Dans l’arrêt du 13 février 2013 ici commenté, la Cour de cassation affirme clairement que le vendeur est tenu, comme le constructeur, de répondre des désordres en cas de faute de sa part.
Ainsi, s’il n’y a pas de faute, il n’y a pas de responsabilité engagée.
Cette situation est contestable, surtout si l’on s’intéresse à la nature de l’obligation de livraison d’un ouvrage exempt de vices. D’obligation de résultat avant la réception, notamment pour le vendeur (Cass. 3e civ, 10 juillet 2013), elle ne serait qu’obligation de moyen après la réception, dès lors qu’est exigée la preuve d’une faute. Ce changement apparaît surprenant, dès lors que l’obligation reste la même, à savoir l’obligation de livrer un ouvrage exempt de vices. Le résultat est qu’en l’absence de faute prouvée, l’acquéreur se retrouve alors avec un bien vicié, de manière légère certes, mais vicié tout de même. Une solution simple serait d’étendre aux désordres intermédiaires la garantie d’assurance de ces constructeurs, vendeurs et autres professionnels qui doivent y répondre, même si l’inconvénient majeur serait évidemment l’augmentation des coûts de construction, qui serait in fine vraisemblablement à la charge de l’acquéreur. »
>> Dans cet exemple, la décision est critiquée non seulement d’un point de vue juridique mais également d’un point de vue pratique et économique.
N’oublie pas de rédiger des chapeaux en dessous des titres I et II, et de faire des transitions à la fin de chacune des parties A et B pour fluidifier le propos et construire ton raisonnement.
2.3.2. Ce qu’il ne faut pas faire
Pour ne pas perdre de points, il faut éviter :
- Les hors sujet
- Réciter le cours sans faire de lien avec la décision commentée
- Paraphraser la décision sans jamais expliquer ni commenter l’extrait cité
- Faire abstraction d’une partie importante de la décision ou au contraire consacrer une sous-partie entière à un détail non pertinent
2.4. Pas de conclusion
Bonne nouvelle, une fois que rédigées l’introduction et les deux parties contenant elles-mêmes deux sous-parties, le commentaire d’arrêt est terminé !
S’il reste du temps, tu peux relire ta copie pour déceler et corriger les éventuelles fautes que tu aurais pu commettre par inattention lors de la rédaction. La maîtrise de la langue française est un point important pour le correcteur (et pour ta vie professionnelle future), ne la néglige pas !
Maintenant que tu avez compris la méthodologie, découvre un exemple de commentaire d’arrêt entièrement rédigé :
>> Exemple de commentaire d’arrêt : Cass. Ch. mixte, 7 février 2014, n°12-85107
>> Exemple de commentaire d’arrêt : CE, 3 juin 2009, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres II
Consulte également :
>> Méthodologie de la fiche d’arrêt
>> Méthodologie du cas pratique
>> Méthodologie de la dissertation juridique
>> Méthodologie du commentaire de texte
>> Méthodologie de la note de synthèse
Méthodologie du commentaire d’arrêt